Quand la recherche en archéologie favorise les initiatives locales pour la protection du patrimoine
Une mission archéologique sur le site mexicain de Cerro de las Mesas s’est associée à la population locale pour lutter contre le pillage et préserver le patrimoine culturel commun.
La recherche et les activités de terrain en archéologie peuvent donner lieu à des opportunités privilégiées en termes de sauvegarde du patrimoine culturel, par le partage avec les communautés locales et leur implication. Cette approche constitue justement l’un des objectifs principaux du projet archéologique « De Cerro de las Mesas a Paso del Bote », codirigé par Aura Fossati, doctorante à ArchAm Archéologie des Amériques (UMR 8096) dont la thèse est financée par un contrat doctoral de l’École Universitaire de Recherche Archaeological Challenges (EUR ArChal) de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Le site préhispanique de Cerro de las Mesas et la région de la Mixtequilla (Veracruz, Mexique) dont il fait partie, intègrent son travail de recherche portant sur les dynamiques de destruction anthropique, en particulier le phénomène du pillage, des vestiges archéologiques en Mésoamérique.
Un projet inclusif et participatif
Le projet « De Cerro de las Mesas a Paso del Bote » est mené dans le cadre de la Mission Archéologique Italienne au Mexique et du programme de recherche interdisciplinaire et de coopération au développement « Ruta de la Obsidiana » du Centro Studi Americanistici Circolo Amerindiano, en partenariat avec le Laboratorio de Prospección Arqueológica de l’Instituto de Investigaciones Antropológicas de l’Universidad Nacional Autónoma de México.
Grâce au soutien du ministère des Affaires Étrangères italien et de l’EUR ArChal, la dernière mission de terrain organisée fin 2023 s’est focalisée sur la vérification, la documentation et l’étude des dommages identifiés, tout en collaborant avec les communautés locales vivant sur les sites archéologiques et qui sont, de fait, les gardiens de ce patrimoine.
Plusieurs actions participatives ont été développées pour construire un dialogue, établir une confiance réciproque, faciliter l'échange d'informations et accompagner la communauté dans la préservation et la valorisation de son patrimoine. Une visite a ainsi été organisée au Musée de Antropología de Xalapa, où est conservée une partie de l’ensemble sculptural retrouvé à Cerro de las Mesas au siècle dernier et plusieurs pièces archéologiques de la Mixtequilla. Présentée par Henri Noel Bernard, responsable du département d’archéométrie du musée, cette visite a rassemblé une quarantaine de personnes de la région qui découvraient pour la première fois ces pièces appartenant à leur patrimoine. La présence de Barbara Stark, chercheuse de l’Arizona State University travaillant sur la région depuis les années 1980, a été une belle opportunité d’échanges. À la suite de cette visite, un certain nombre d’initiatives ont été discutées par les collectivités, animées par le désir d’agir pour la protection du patrimoine, d’enrichir une connaissance commune et de développer des synergies au niveau régional.
Un patrimoine protégé
L’importance d’une implication locale dans la sauvegarde de ce patrimoine s’est notamment manifestée par plusieurs propositions spontanées de donations d’objets retrouvés de façon fortuite. À la demande des habitants, un espace d’exposition photographique ayant pour thème les stèles originaires de Cerro de las Mesas conservées au musée de Xalapa a été mis en place à Paso del Bote, le village implanté sur le site. L’idée bourgeonne de créer un musée communautaire à Cerro de las Mesas, pouvant accueillir les pièces archéologiques menacées de dispersion dans le marché illicite des biens culturels. Grace à la constitution de l’association « Por la Grandeza de mi Pueblo y su Cultura », un musée de ce type est déjà en cours de développement à El Cocuite, autre zone archéologique de la région.
Ainsi, la recherche scientifique, et l’archéologie en particulier, se positionne comme catalyseur d’actions locales œuvrant pour la protection du patrimoine étudié et la prévention de certains phénomènes pouvant affecter les vestiges archéologiques.